La grande saga de l’EPO
Initialement destinée aux insuffisants rénaux ou aux patients souffrant de graves anémie, l’érythropoïétine (EPO) artificielle a rapidement trouvé sa place dans l’arsenal dopant. Son efficacité étonnante a fait oublier certaines méthodes artisanales. Interdit depuis plus de dix ans par le Comité international olympique, il reste difficile à détecter. Zoom sur une success story de la triche.
Même si c’est durant le Tour de France 1998 que l’EPO a défrayé la chronique, son utilisation concernerait d’autres sports du football au marathon en passant par le ski… Retour sur ce dopant d’un nouveau genre.
Au départ, l’EPO est une hormone naturellement fabriquée par les reins (80 %) et le foie (20 %). Elle stimule la fabrication par la moelle osseuse de globules rouges qui transportent l’oxygène vers les organes. En 1983, le laboratoire californien Amgen produit de manière industrielle de l’EPO de synthèse. Cette avancée scientifique est un pas de géant pour certains malades : insuffisants rénaux traités par hémodialyse, graves anémies chez les nourrissons ou suite à des chimiothérapies anticancéreuses. En France, le produit n’est mis sur le marché via les officines hospitalières qu’en 1990 pour l’Eprex® et en 1991 pour le Neorrecormon®.
- Injection d’EPO
- L’EPO stimule la fabrication de globules rouges par la moelle osseuse.
- Les globules rouges participent à la respiration et à la production d’énergie.
A cette époque, l’EPO n’intéresse pas encore les sportifs pourtant, les conséquences d’une augmentation de l’oxygénation du sang sont déjà bien connues. Les méthodes allaient de la systématisation des grossesses chez les athlètes de certains pays de l’Est dans les années 1950 (les bénéfices sur la quantité d’hémoglobine étaient maintenus alors que la grossesse était interrompue après 3 à 6 mois) à l’autotransfusion (prélèvement de sang réinjecté sous forme de purée de globules rouges quelques jours avant l’épreuve) dont la logistique reste lourde et les risques élevés. Mais avec le sulfureux médecin Francesco Conconi, l’EPO allait débarquer en force dans le cyclisme transalpin pour peu à peu s’étendre à de nombreux pays.
Infarctus, cancer… un jeu dangereux
L’EPO artificielle a été largement détournée de son usage initial pour offrir aux tricheurs une endurance à toute épreuve et des performances accrues. Avec l’étrange augmentation des résultats de certains athlètes, la suspicion est générale. Et malgré de nouvelles règles de l’Union Internationale Cycliste limitant le taux d’hématocrite à 50 % (volume de globules rouges sur le volume sanguin total), les fraudeurs ont rapidement trouvé la parade.
Cependant, il existe un revers de la médaille. L’usage d’EPO n’est pas anodin. Injecté trop rapidement, ses effets secondaires s’apparentent à un syndrome grippal… des symptômes retrouvés étrangement dans certaines affaires… Mais parfois, le dérapage est plus important : "En augmentant le nombre de globules rouges, le sang devient moins fluide.
A court terme, cet épaississement augmente le risque de formation de caillots sanguins, donc le risque de thromboses (infarctus ou attaques vasculaires cérébrales)" précise le Pr. Michel Audran, professeur à la faculté de pharmacie de Montpellier (Hérault) et expert auprès du Conseil de lutte et de prévention du dopage (CPLD). Ces effets secondaires obligent d’ailleurs les sportifs dopés à prendre de l’aspirine ou des anticoagulants (qui fluidifient le sang). Malgré cela, plusieurs décès suspects surviennent durant les années 1990. A long terme, l’EPO entraîne des risques d’hypertension artérielle, voire de cancer de la moelle osseuse.
La prise d’EPO reste difficile à prouver
Malgré ces risques, l’EPO a séduit et séduit encore. Pour démasquer les tricheurs, le challenge de la lutte antidopage est loin d’être aisé. "L’Epo est une molécule qui a une très courte demi-vie. Au bout de trois jours, la molécule devient indétectable alors que ses effets perdurent 2 à 3 semaines. Pour les sportifs dopés qui ont passé des mois à augmenter le nombre de leurs globules rouges, il suffit d’arrêter quelques jours avant la compétition pour passer à travers les mailles du filet" nous précise Michel Audran.
Malgré ces risques, l’EPO a séduit et séduit encore. Pour démasquer les tricheurs, le challenge de la lutte antidopage est loin d’être aisé. "L’Epo est une molécule qui a une très courte demi-vie. Au bout de trois jours, la molécule devient indétectable alors que ses effets perdurent 2 à 3 semaines. Pour les sportifs dopés qui ont passé des mois à augmenter le nombre de leurs globules rouges, il suffit d’arrêter quelques jours avant la compétition pour passer à travers les mailles du filet" nous précise Michel Audran.
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