Ruptures amoureuses : le phénomène de "limérence" est-il en cause ?

Au début d’une relation, tout est merveilleux. Rien d’autre ne compte à part l’être aimé. Cependant, il arrive parfois que cette passion excessive, connue sous le nom de "limérence", transforme le sentiment amoureux en une obsession malsaine. Cette "maladie de l’amour" a des conséquences néfastes sur l’évolution du couple. La psychologue Véronique Kohn nous donne plus d’informations sur cet état psychologique méconnu.

1. Qu’est-ce que la limérence ?
2. Comment reconnaître et savoir si nous sommes concernés par ce phénomène ?
3. D’où provient-il ?
4. Quel est l’impact de la limérence sur nos relations amoureuses ?
5. Peut-on guérir de la limérence ?
6. Comment sortir de ce schéma obsessionnel pour établir des relations plus saines ?
7. Quand consulter un professionnel ?

Qu’est-ce que la limérence ?

L’amour peut provoquer des émotions intenses : euphorie, joie, désir, passion, jalousie, peur. Parfois, cette affection devient excessive et se transforme en obsession. Tout tourne autour de l’autre, entraînant des hauts et des bas émotionnels. Cet état psychologique, proche du Trouble Obsessionnel Compulsif, est appelé la "limérence". Décrite pour la première fois en 1979 par la psychologue Dorothy Tenov, elle est également connue sous le nom de "maladie de l’amour" et présente des similitudes avec la dépendance ou l’addiction. Lorsque nous sommes en proie à la limérence, nous ne pensons qu’à l’autre, nous l’idéalisons et interprétons toutes ses actions. Cette obsession entraîne inévitablement de la souffrance, quels que soient les sentiments réciproques, car elle traduit un manque de sécurité dans la relation.

"La limérence est une pensée incontrôlable et répétitive centrée sur le partenaire. Elle analyse pourquoi et comment l’autre aurait pu faire ou dire certaines choses. C’est une envahissement, une perte de contrôle face au sentiment amoureux qui monopolise tous les aspects de notre vie", explique Véronique Kohn, psychologue spécialiste de la relation amoureuse.

Il est à noter que la limérence peut se produire tant dans une relation de couple que lorsque nous ne sommes pas en couple. Dans ce dernier cas, nous élaborons des scénarios idylliques dans lesquels l’autre nous aime éperdument, et nous interprétons tout de manière favorable. Ces fantasmes sont souvent déconnectés de la réalité et peuvent conduire à des relations toxiques.

Comment reconnaître et savoir si nous sommes concernés par ce phénomène ?

La limérence se distingue de la passion amoureuse par cinq caractéristiques :

– Des pensées intrusives et répétitives : notre esprit est obsédé par l’être aimé, nous ressassons et alimentons divers scénarios (souvent axés sur le bonheur, mais aussi critiques et négatifs lorsque l’autre nous échappe).

– Des émotions intenses : lorsque les sentiments sont partagés, nous ressentons de la joie et de l’euphorie. En revanche, en cas de déception ou de non-réciprocité, nous sommes plongés dans un désespoir intense.

– Un désir de réciprocité : nous voulons constamment être rassurés mutuellement et avons du mal à faire face au manque et à l’attente. La peur de perdre l’être aimé domine.

– Une idéalisation : nous voyons l’autre comme la personne parfaite, sans aucun défaut. Mais il peut aussi être "déidéalisé" et devenir le responsable de tous nos maux.

– Un désir de proximité : la présence de l’autre apaise nos peurs et nous apporte une sensation de sécurité.

– Une anxiété liée à la peur de l’abandon : nous sommes pris dans une grande angoisse à l’idée de perdre l’attention ou l’affection de l’être aimé.

D’où provient la limérence ?

La limérence touche principalement les femmes, bien que les hommes puissent également en être affectés. Il est souvent lié à des traumatismes psycho-affectifs vécus dans l’enfance, tels que le deuil ou l’abandon. Il traduit de nombreuses peurs, notamment celle du rejet et de l’abandon, ainsi que la peur de perdre le contrôle. La limérence est un mode de fonctionnement qui révèle une insécurité et une difficulté à se détacher de notre partenaire. Elle peut également se répéter d’une relation à une autre.

Quel est l’impact de la limérence sur nos relations amoureuses ?

Étant donné qu’il est impossible d’accéder aux pensées de l’autre, il est difficile de savoir si notre amour est réellement partagé. La peur crée donc une incertitude et une anxiété par rapport à la relation amoureuse. La limérence est donc la conséquence d’une dépendance affective envers l’être aimé. "Plus nous sommes obsédés par l’autre, plus nous sommes dépendants et insécures au fond de nous. Cela entraîne une étroitesse autour de l’autre, que l’on pense être la seule personne capable de nous rassurer, que ce soit en étant en couple ou non. On pense que l’autre est la seule personne qui peut combler tous nos besoins. Lorsque l’autre ne répond pas à ces attentes, cela peut générer de la colère, de la frustration et des dysfonctionnements au sein du couple. Il peut également s’établir une relation de dominance/soumission qui est tout aussi destructrice. En cas de non-réciprocité ou de rejet, cela peut entraîner du chagrin, de la déprime voire de la dépression", explique la psychologue.

La limérence se soigne-t-elle ?

Oui, il est possible de sortir de ce schéma de fonctionnement, mais cela demande du temps, de la réflexion et des efforts personnels. La première étape est de reconnaître que le problème vient de soi et d’accepter que nous sommes affectés par la limérence. "Admettre l’existence de ce trouble émotionnel, éviter de le juger, faire preuve de compassion, de gentillesse et de bienveillance envers soi-même est essentiel pour entamer un processus de changement", souligne Véronique Kohn.

Il est également important de noter que la limérence diffère de l’amour véritable ou d’une relation amoureuse saine. Bien que la limérence puisse être une expérience puissante, elle ne mène pas à un partenaire stable et épanoui. S’en sortir est nécessaire, non seulement pour améliorer notre santé émotionnelle, mais aussi pour nous donner la possibilité d’avoir des relations plus équilibrées à l’avenir.

Comment sortir de ce schéma obsessionnel pour établir des relations plus saines ?

Plusieurs clés, proposées par Véronique Kohn, permettent de se libérer de la limérence afin de considérer l’être aimé de manière plus réaliste et de rétablir notre relation de couple :

– Faire la lumière sur notre passé : quelles ont été les répétitions dans notre vie qui ont conduit à développer ce trouble obsessionnel ? Soigner nos blessures d’enfance est important pour ne pas projeter sur l’autre des attentes qui ne lui incombent pas.

– Identifier les enjeux actuels : comprendre les motivations sous-jacentes à ce comportement. Est-ce lié à des besoins émotionnels non satisfaits ou à des expériences passées ? Une prise de conscience de ces facteurs peut nous aider à traiter les causes profondes.

– Prendre de la distance : limiter les interactions avec l’être aimé et moins lui accorder d’attention. Cela réduira les déclencheurs émotionnels et nous donnera le temps et l’espace nécessaires pour guérir.

– Ne pas laisser notre imagination s’emballer : éviter de construire des fantasmes ou des scénarios irréels qui mènent à des interprétations erronées des sentiments de l’être aimé. Rester centré sur des faits concrets et réalistes.

– Retrouver de l’autonomie : consacrer du temps et de l’énergie à nos propres activités, renforcer son estime de soi et cultiver nos propres intérêts. Cette focalisation sur nous-mêmes nous permettra de moins attendre de la relation.

– Élargir notre cercle social : rencontrer de nouvelles personnes, créer de nouvelles amitiés. Ces différentes sources de soutien émotionnel peuvent nous aider dans les moments difficiles.

– Pratiquer la méditation de pleine conscience : rester ancré dans le moment présent plutôt que de se laisser emporter par nos pensées obsessionnelles.

– Faire preuve de patience : sortir de ce schéma obsessionnel ne se fait pas du jour au lendemain. Il est important d’être patient avec soi-même, car nos sentiments s’estomperont progressivement au fur et à mesure que nous avançons dans notre processus de guérison.

Quand consulter un professionnel ?

Nous pouvons demander du soutien à nos amis ou à notre famille, en particulier s’ils ont déjà vécu cette situation. Cependant, si cette condition émotionnelle est particulièrement envahissante, dure trop longtemps et a un impact significatif sur notre vie quotidienne (famille, travail, relations sociales), et entraîne de la souffrance, il est important de consulter un thérapeute. Celui-ci peut nous aider à mieux comprendre nos émotions et à développer des stratégies pour y faire face. Nous ne devons pas négliger l’aide apportée par la lecture sur la dépendance affective, les vidéos ou les conférences sur le sujet, ainsi que les groupes de parole. Nous ne sommes pas seuls à ressentir cela, et partager nos expériences avec d’autres peut nous aider à trouver de nouvelles pistes pour avancer. Il peut également être utile de travailler sur nous-mêmes si nous entamons une nouvelle relation et ne voulons pas reproduire les erreurs du passé.

Nous pouvons demander du soutien à nos amis ou à notre famille, en particulier s’ils ont déjà vécu cette situation. Cependant, si cette condition émotionnelle est particulièrement envahissante, dure trop longtemps et a un impact significatif sur notre vie quotidienne (famille, travail, relations sociales), et entraîne de la souffrance, il est important de consulter un thérapeute. Celui-ci peut nous aider à mieux comprendre nos émotions et à développer des stratégies pour y faire face. Nous ne devons pas négliger l’aide apportée par la lecture sur la dépendance affective, les vidéos ou les conférences sur le sujet, ainsi que les groupes de parole. Nous ne sommes pas seuls à ressentir cela, et partager nos expériences avec d’autres peut nous aider à trouver de nouvelles pistes pour avancer. Il peut également être utile de travailler sur nous-mêmes si nous entamons une nouvelle relation et ne voulons pas reproduire les erreurs du passé.